Le changement rapide et violent de notre monde, de nos habitudes, du sens que nous donnons aux choses et du sens que nous cherchons autour de nous n’est plus le sens en profondeur mais une recherche horizontale et une vue aussi horizontale du monde. La technologie mais aussi la mondialisation et la paix sont à la base de cette évolution. Ce n’est pas la première mutation que notre monde vit, il y a eu celle des Lumières et celle des romantiques pour ne parler que de l’histoire récente.
J’écris vite…. Rapidité! Une valeur – si ce n’est la valeur principale- de notre époque a pris la place de la réflexion et de l’apprentissage lent.
L’expérience a changé de demeure, ce n’est plus un long voyage semé d’embuches et d’interrogations. Elle est devenue un mélange d’instantanés polaroid qui ont du mal à se rassembler dans le même album. Je m’explique mieux : nous avons du mal à nous « classer » selon nos faits et gestes. Nous écoutons du pop le matin, du jazz l’après-midi et de la musique classique le soir sans vraiment s’y connaître. Nous: tout et rien selon les vieux critères. Nous appartenons, non pas à une classe avec des gestes et règles entendus et précis comme le furent nos parents et grand-parents mais un grand fourre-tout au demeurant magnifique.
Superficiels! Oui, c’est ainsi, nous sommes superficiels parce que notre temps l’est. Nous connaissons tous Proust et Kafka mais peu de nous les ont vraiment lu, nous adorons Beethoven et nous reconnaissons la sacralité de sa Neuvième sans saisir un once de la détresse et l’aigreur que le vieux musicien, sourd et aigri, a mis dans ces notes. On adore les produits régionaux mais on fait nos courses au super-marché et ainsi de suite… Bref nous sommes plus ou moins des barbares, au sens où nous représentons une nouvelle civilisation pas encore bien définie. Des mutants qui parlent quasiment à la même langue de ce qui ne connaissent pas trop, nous sommes très informés, nous croulons sous l’information mais on est incapables de s’arrêter à un événement, de chercher les files, de les relier entre eux . Grâce au web nous savons ce qu’il se passe partout dans la planète, nous échangeons avec d’autres mutants de l’autre bout du monde, nous communiquons plus que jamais mais il reste à prouver si cette communication peut vivre sortie de sa virtualité. Il n’est pas sur que l’immense toile ait remplacé l’importance de la place du village mais nous en sommes contents et tant pis si la place reste vide ou peuplé des gens aux yeux rivés sur le smartphone. Malgré nos résistances nous sommes tous des barbares -à des degrés différents- dont les goûts et les désirs se forment plus ou moins par les clichés de mode répandus à notre classe sociale mais même là les barrages tombent. Vivant dans notre folie et notre humanité nouvelle nous avons une grande nostalgie du passé dont nous avons rendu désuètes les principales valeurs: pudeur, labeur humble, profondeur du savoir, dignité, précision des gestes etc
Est-ce un regret?
Non! il est inutile de regretter la réalité, celle-ci est juste une évidence contre laquelle nous ne pouvons rien faire sinon y réfléchir et essayer de l’accepter en incorporant ce qui nous est cher -de l »ancienne civilisation-pour le sauver en le faisant vivre et non en le momifiant dans la naphtaline.
Voilà -comme dit toujours A B, le rital:) – le contenu de ces conférences sur la mutation de notre monde.
Je me permets de souligner l’ originalité exceptionnelle de son regard, sa sérénité réaliste, loin des nationalismes et des préjugés masqués ou non, l’application de ses dires ainsi qu’il l’a fait en refaisant vivre magnifiquement l’ initiatique Iliade et ce n’est qu’un exemple.
Et l’authenticité dans tout ça? Ah! c’est un autre chapitre à aborder plus tard.
Vi.Ma.
Ps. Beaucoup de regrets pour le manque de traduction de ces discours mais… la journée a seulement 24 heures, même au temps de la rapidité 🙂